23 avril 2013

Le retour du comme back du revival of CarrieB



« Allo, non mais allo quoi ? T’es CarrieB et tu publies plus rien ? C’est comme si t’es une bimbo , t’a pas de faux seins! » Labinna, future star éphémère de télé-irréalité.

C’est que j’en avais presque oublié cet endroit, qui m’a pourtant tant apporté (quelle ingratitude !), clairière dissimulée au milieu d’un bois en friche, lieu sacré symbolique d’une partie de ma vie, ruines d’un temple dédié à mes folles aventures.
Alors que je m’en approche de nouveau, presque religieusement, c’est un peu comme si je mettais les pieds dans le jardin d’une maison de vacances quittée depuis longtemps, et qu’on regrette de ne pas avoir entretenu plus régulièrement, ne serait-ce que pour arracher les mauvaises herbes.
Alors que de l’eau a passé sous les ponts, que le rythme des saisons a suivi son cours, que les ronces ont envahi le sol, je redécouvre certains articles à la lumière des années en soulevant quelques branches, je m’amuse d’antiques commentaires enfouis loin sous le lierre.
Je souris, je fais la grimace en me demandant pourquoi j’ai bien pu écrire ceci ou cela, je critique, je m’interroge. Quelqu’un vient-il encore flâner par ici de temps en temps ? Un joggeur de passage, un lecteur hasardeux, un mot clé perdu, un squatteur opportuniste, une recherche erronée?
C’est qu’il y a de l’émotion, du quelconque, des souvenirs, du risque, des coups de gueule, de l’amour, des articles stupides, des coups de cœur, de la fiction, du suspense, de la sensualité, un peu de poésie et d’humour, bref, surtout beaucoup de moi ici.
Alors une pointe de nostalgie m’envahit et je me retrousse les manches en me disant qu’il faut faire quelque chose, vraiment.
Débarrasser les débris (enlever les vieilles photos aux liens brisés), faire un peu de ménage (les commentaires chinois ont proliféré en mon absence), arracher la tapisserie (bye bye les pois, so 2006!), et refaire la déco (peinture blanche et stickers coquelicots, Damidot sort de ce corps !).
C’est que j’ai 36 ans maintenant, que la technologie s’est affinée depuis, que je l’ai explorée aussi, que l’approche est différente. Les années et l’arrivée de nouveaux médias sociaux ont érodé l’enthousiasme des premiers blogs et de cette impression de détenir un trésor pas encore accessible à tous. Les blogs ont été délaissés par les gens au profit d’autres lieux où l’on parle moins mais plus vite, et souvent de choses moins intéressantes, mais instantanées.
Alors oui, j’aurais pu tout raser et en construire un autre, brillant de mille feux de publicité, avec des liens qui poussent partout, une nouvelle identité, des sujets « bankables », des buzz qui rebuzzent, des retouites, et plusun, et jème à volonté.
Oui, j’aurais pu juste refermer définitivement la grille du jardin et laisser la masure aux mains du temps et au bon gré de l’hébergeur, qui aurait sans doute fini par m’en enlever la clé.
Mais je ne m’y résous pas, je n’aime pas m’y résoudre, car ici c’est chez moi, alors me revoilà.

01 juin 2009

L'indépendance à 6 ans

Comme beaucoup de personnes en ce moment, contrainte et forcée, j’ai rempli ma déclaration d’impôts sur le revenu, qui, soit dit en passant, malgré les belles promesses de baisse et du fait de la modification des plafonds des différentes tranches, s’avère à la hausse. Bref, le problème n’est pas là.
Ce qui me choque le plus dans tout cela, tout comme cela m’interpelle dans l’attribution du complément de mode de garde de la CAF, est la prise en charge du mode d'accueil des enfants de plus de 6 ans.
A partir de 6 ans, un enfant est sensé savoir rentrer de l’école seul et se garder seul, voyez-vous.
Voire passer une grande partie de ses vacances scolaires à tourner en rond chez lui et maudire sa solitude.
C’est la désolante conclusion que tous les parents de jeunes enfants se doivent de faire, étant donné qu’à partir de cet âge-là les allocations familiales ne remboursent plus aucun mode de garde, et qu’à partir de 7 les impôts ne veulent plus entendre parler de déduction de frais de garde.
Comprenons-nous bien : ce qui me révolte, ce n’est pas tant la question financière que la question morale.
Qui sont les personnes qui déclarent qu’à partir de 6 ou 7 ans, un enfant est autonome ?
Je doute que ces gens aient eu des enfants, ou tout au moins à se soucier de leur devenir après l’école ! Peut-être ont-ils demandé directement aux enfants s’ils se sentaient suffisamment grands pour se débrouiller ?
Ou alors compte-t-on sur l’essor des jeux vidéo et des chaînes jeunesse à la télévision pour faire patienter les petits à la maison sans trop de dégâts ?
6 ans, c’est l’âge de l’entrée à l’école primaire, le début des grands apprentissages mais aussi les balbutiements des vraies consignes, et, quelle que soit la maturité de l’enfant à cette période de sa croissance, il est incapable de se prendre en charge totalement pendant plusieurs heures, avec le risque du retour au domicile et ses nombreux pièges, tant au niveau du code de la route que des éventuelles rencontres ou des accidents domestiques, alors pourquoi estimer qu’il est apte à s’assumer seul ?
Faire du vélo sans roulettes ou aller acheter du pain « comme un grand », un parent l’attendant plus loin, à la boulangerie, sont une chose, des étapes de plus au processus d’évolution personnelle vers l’autonomie, mais s’autogérer n’est pas encore au programme de l’année de CP!
En fonction de quoi quelqu’un a-t-il prétendu que la garde des enfants âgés de 6 ans était optionnelle ?
C’est une question qui me laisse perplexe, et à laquelle je n’ai aucune explication valable à ce jour, bien qu’ayant retourné le problème dans tous les sens.
Combien de ménages disposent de plus de 4 mois de congés ou de proches à disposition pour prendre le relais pendant les vacances ?
A l’heure où notre gouvernement crie à la délinquance dans les collèges et au scandale des enfants livrés à eux-mêmes en dehors des horaires scolaires, où les disparitions d’enfants se multiplient et où les parents déjà culpabilisés sont de plus en plus inquiets pour leur progéniture, les instances de l’Etat se déchargent totalement de la liberté non surveillée qu’ils imposent aux familles les plus sensibles et défavorisées.
Ces familles qui vivent d’emplois précaires ou smicards, de classe moyenne, pas assez riches pour ne pas se poser de questions mais trop pour bénéficier de certaines aides sociales, qui n’arrivent souvent plus à suivre la scolarité de leurs enfants et qu’une aide extérieure dotée de connaissances différentes pouvait contribuer à aider, ne peuvent plus se permettre les services d’une assistante maternelle, d’un centre aéré ou de la garderie périscolaire, faute de moyens.
Même les heures de soutien scolaire, basées sur le volontariat, ne sont pas effectuées dans la plupart des établissements.
Et que dire de certaines écoles qui ne prévoient même pas de structure périscolaire pour les enfants du primaire ?
Alors qu’il apprend juste à lire et à écrire, que le monde est encore un vaste terrain de jeux et qu’il a la malchance, comme la plupart de ses camarades, d’avoir ses parents qui travaillent à plein temps et ne finissent pas leur journée entre 15 et 16 heures, il faudrait que le bambin parcoure le chemin qui le sépare de son école à son domicile le plus docilement du monde et s’y tienne sagement en attendant le retour de son papa ou de sa maman.
Et puis quoi encore, qu’il passe faire quelques courses et prépare le repas du soir ? A 6 ans ?
On leur en demande déjà tant, beaucoup de poids sur leurs frêles épaules et un passé déjà lourd pour certains, des histoires d’adultes qui se substituent trop souvent aux rêveries de leur âge.
A trop vouloir leur affranchissement précoce, c’est à côté d’une grande part des meilleurs moments de leur enfance et de sources d’éveil et d’enrichissement personnel qu’ils peuvent passer.
Bien que je sois évidemment favorable aux nouvelles expériences et à l’acquisition de certaines responsabilités pour la conquête de parts d’indépendance, au rythme de la croissance et non sans une certaine présence bienveillante, l’indépendance à 6 ans est définitivement un concept qui me paraît bien éloigné de la réalité.

11 mai 2009

Ma deuxième petite entreprise

Vous vous demandiez peut-être si j’étais morte.
Eh bien, non, je suis toujours là, mais bien cachée (et là, selon, c’est explosion de joie, léger sourire ou haussement des épaules-de-toutes-façons-on-s’en-fiche-ça-change-rien-à-nos-vies, mais que je n’en prenne pas un à dire « dommage »).
Juste que je suis davantage présente dans la vraie vie que sur la blogosphère.
Ca existe, et même que c’est souvent plutôt bien, je vous assure (même si parfois…non rien).
J’ai bien conscience que ce blog est aussi actif qu’une fourmi sous tranquillisants (et ne vous amusez pas à essayer, c’est pas beau de faire du mal aux animaux, ni même aux insectes), mais je n’arrive pas à me résoudre à le fermer.
Je l’ai ouvert à l’aube de ma trentaine, et il m’a permis entre autres de passer ce cap de ma vie plus facilement, de me faire de vrais nouveaux amis, et de découvrir que je pouvais (parfois) écrire des choses intéressantes (à défaut d’en dire, d’autant que maintenant je suis blonde) et surtout que j’y prenais un plaisir certain.
En regardant un peu par ici, ce blog est un grand bric à brac, un peu comme ma vie, avec du tout et du n’importe quoi, du sérieux, du léger, des lectures, des expériences, des sentiments aussi.
Alors non, je n’arrive pas à placarder le mot « fin » en titre d’un post : « aboutthirty » fait un peu partie de moi et j’aime avoir cet espace de liberté à disposition pour y écrire ce que je veux quand ça me chante.

Et aujourd’hui ça me chante justement, ça tombe plutôt bien.
Plus de trois années se sont écoulées depuis l’écriture de mon premier post, je suis maintenant une grande fille de 32 ans qui a largement eu le temps de digérer sa trentaine.
Ce n’est pas encore le cas de certaines, et en particulier ma petite sœur (spéciale dédicace Alexia), qui cette semaine franchit à son tour la dizaine fatidique.
J’ignore s’il s’agit d’une coïncidence ou d’un genre de passage de témoin vers une autre étape de ma vie, mais cette semaine est aussi celle de la finalisation d’un de mes projets d’envergure : la création de ma propre entreprise.
Bon, je dois reconnaître que ça en jette un peu écrit comme ça, mais ça n’est jamais qu’une société à salarié unique, avec pour local une chambre d’amis reconvertie et redécorée pour l’occasion (en vert pomme et violet, ça ne se voit pas bien sur la photo, c’est trooooop meûgnon mais ça n’est pas le sujet).
Une entreprise de quoi, me demanderez-vous (ou pas, pour ceux qui continuent à n’en avoir rien à faire [mais que font-ils encore à me lire à ce moment-là ?]) fort à propos ?
Eh bien, je vous laisse deviner, ça n’est pas trop compliqué pour peu d’avoir suivi même de loin mes nombreuses péripéties professionnelles, mais interdiction aux chanceux (hum) qui connaissent déjà la réponse ou aux membres de la famille de l’organisatrice de participer, bien sûr, ce ne serait plus du jeu.
Et le gagnant ou la gagnante se verra remettre, heu…une magnifique Kineton personnalisée, un exemplaire unique de ma fabrication (mais la réponse n’est pas « création et commercialisation de Kinetons », évidemment, ce serait trop simple).
Donc voilà, à ma petite entreprise familiale va bientôt s’ajouter ma petite entreprise individuelle, alors je fais un appel à toutes les ondes positives, prières, danses de la chance, incantations vaudou, croisements de doigts et autres mots de Cambronne pour me souhaiter bonne chance dans cette aventure.
En fait j'en ai vraiment besoin pour compléter le pack motivation/compétences/relationnel/chance du kit-du-parfait-jeune-entrepreneur.
En parallèle, il m’arrive toujours d’écrire, même si ce n’est plus beaucoup par ici, et une des rares nouvelles sous mon vrai nom va être publiée prochainement en recueil, puis sera jouée par des comédiens (il y a même une rencontre prévue après la pièce pour échanger avec eux sur leur interprétation, j’ai hâte !).
Enfin dernière création en date : l’écriture d’une pièce de théâtre pour le spectacle de fin d’année d’une école (même pas celle de mes enfants) dont je suis plutôt contente, et dont j’attends également la représentation et l’échange qui suivra avec impatience.
On ne s’ennuie jamais au pays de Carrie ! Alors, une idée de l’activité de mon entreprise ? (propositions farfelues ne pas s'abstenir)


Et puisque j’ai commencé à écrire cet article le 10 mai, mais qu’à cette heure-ci nous sommes le 11, j’en profite pour faire de gros bisous et souhaiter un très bon anniversaire à ma petite maman, qui elle aussi entre dans une nouvelle dizaine que le respect dû aux jeunes filles de son âge m’empêche de citer ;-)

26 mars 2009

Les naufragés de l'île Tromelin

« Un minuscule bloc de corail perdu dans l’océan Indien. Cerné par les déferlantes, harcelé par les ouragans. C’est là qu’échouent, en 1761, les rescapés du naufrage de l’Utile, un navire français qui transportait une cargaison clandestine d’esclaves.
Les Blancs de l’équipage et les Noirs de la cale vont devoir cohabiter, trouver de l’eau, de la nourriture, de quoi faire un feu, survivre. Ensemble, ils construisent un bateau pour s’enfuir.
Faute de place, on n’embarque pas les esclaves, mais on jure solennellement de revenir les chercher.
Quinze ans plus tard, on retrouvera huit survivants : sept femmes et un bébé. Que s’est-il passé sur l’île ? A quel point cette histoire a-t-elle ébranlé les consciences ? Emu et révolté par ce drame, Condorcet entreprendra son combat pour l’abolition de l’esclavage. »

Voilà comment s’annonce le dernier livre d’Irène Frain, dont je n’ai pas (encore) lu les précédents ouvrages, mais dont le nom m’était familier pour l’avoir entendu par le passé dans une émission littéraire.
Alors que les romans historiques n’ont habituellement pas mes préférences, j’ai accepté de lire et commenter celui-ci pour la simple et bonne raison qu’il fait état d’un épisode réel, mais méconnu car peu glorieux de l’histoire de notre pays, un évènement dont les conséquences tragiques, ajoutées entre autres aux textes dénonciateurs de certains philosophes des Lumières, ont contribué à l’évolution des mentalités vers l’interdiction de la pratique esclavagiste.
Un devoir de mémoire toujours d’actualité en cette année 2009, et malgré l’élection de Barack Obama, comme en témoignent notamment les récents conflits des Antilles.
Comment survivre sur un îlot des plus hostiles, une chimère plate, blanche et stérile qui apparaît, change de coordonnées ou disparaît à sa guise des cartes des navigateurs de l’époque ? Et quand à cette nécessité s’ajoute la difficulté inconcevable de la promiscuité forcée des blancs et des noirs ? Pourquoi n’a-t-on jamais été chercher les malgaches restés sur l’île et ayant participé à la construction du bateau qui a sauvé des blancs dont la plupart n’ont même pas mis la main à la pâte? L’âme humaine est elle si vile ? Les promesses sans valeur ? Aucun des survivants ne s’est-il enrichi intérieurement de cette expérience ?
C’est à ces questions qu’Irène Frain, avec passion et beaucoup d’humilité, a tenté de répondre, à l’occasion de recherches en collaboration avec Max Guérout, à la tête d’une mission « esclaves oubliés » organisée par le GRAN
[1] et commanditée par l’UNESCO, et d’une expédition sur l’île, poussière de l’océan située entre Madagascar et Maurice (cliquez sur la photo pour voir où elle se trouve !), où elle a pu s’imprégner de l’ambiance, retrouver des traces de la vie des naufragés et essayer de comprendre ce qu’ils y ont vécu.
Loin des fantasmes à la Robinson Crusoë, Lost ou Koh-Lanta, elle raconte une aventure hors du commun, l’instinct de survie poussé à son paroxysme dans des conditions désastreuses.


« Saisissement. C’est l’île. Le vent. Le blanc du roc au sommet de la plage. La frappe indéfinie des lames. L’assommoir du soleil. Les yeux s’écarquillent puis s’enfoncent, les jambes flageolent, l’échine lâche. Un à un, les corps s’écroulent. Noirs ou blancs, ils réclament à la terre le répit qu’elle a toujours su leur offrir. L’accueil, le refuge, la matrice. Quelques minutes plus tard, l’évidence s’abat : ils ne les trouveront pas. »

On découvre aussi le rôle primordial du premier lieutenant Castellan, un homme intelligent et charismatique, profondément humain, sans qui la survie n’aurait sans doute été qu’une question d’heures :

"En cette aube du 3 août, il vient donc d'ouvrir une partie décisive : trouver de l'eau par tous les moyens. Et briser simultanément, plus pervers encore que l'enfermement du bateau, l'infernal huis clos de l'île. Faute de quoi, au coucher du soleil, de la plage à ces tentes, au désert de caillasses et jusqu'au camp des Noirs, l'île ne sera plus qu'un champ semé de cadavres."

C’est d’ailleurs lui qui fera aux esclaves le serment de venir les récupérer, le bateau de sauvetage étant trop petit pour embarquer tout le monde.

« En revanche, sur ce qu’il allait dire aux Noirs, Castellan n’avait pas la moindre inspiration. Il s’était dit que le moment venu, il aviserait. Il ne savait toujours pas comment leur annoncer l’indicible : on s’en va, et vous restez. Un seul point dont il fût sûr : les quatre-vingt-seize marins qui avaient refusé de travailler au bateau n’auraient aucun scrupule à embarquer avec les autres. »

Son serment, il tentera par tous les moyens de le tenir, mais à son grand désespoir la France au pouvoir ne l’entendra évidemment pas de cette oreille, considérant que des vies noires n’ont que peu ou pas de valeur.
Et c’est seulement 15 années plus tard que le capitaine Tromelin retournera sur l’île et retrouvera quelques rescapées-miraculées.
J’avoue que le premier chapitre consacré exclusivement à la description de l’île, bien que nécessaire, peut décourager le lecteur, mais il est de la lecture comme d’un tas d’autres choses : la persévérance finit souvent par payer.
Ainsi, au fil des pages, on se laisse emporter par cette histoire bouleversante, fruit d’un travail de recherche documentaire exceptionnel, qui colle le roman au plus près de la réalité.
On peut éventuellement reprocher à l’auteur la confusion des styles parfois, et l’effleurement de la personnalité des protagonistes, mais c’est sans doute pour nous rappeler qu’il est délicat de trop romancer une histoire aussi vraie que cruelle, et qui se suffit à elle-même.
Une histoire dans l’Histoire, un livre qui compte et qui rappelle que les préjugés de cette époque ne sont pas si lointains, un conte philosophique presque, tant la morale à en tirer est évidente et importante.

« Les naufragés de l’île Tromelin », aux éditions Michel Lafon, Merci à Chez les filles.com de me l’avoir fait découvrir. Site officiel du livre .
[1] Groupe de Recherche en Archéologie Navale

16 mars 2009

Ma petite entreprise

(Avec spéciale dédicace au regretté Alain Bashung)
Lors des entretiens d’embauche qui ont parsemé l’année passée, je dois dire que nombre de recruteurs, masculins avouons-le pour la plupart, m’ont demandé ce que j’avais fait de mon temps depuis mon dernier emploi, A PART m’occuper de mes enfants.
Parce qu’a priori, s’occuper d’un foyer et de deux enfants (surtout scolarisés, même pas l’excuse des couches ni des biberons) ne relève pas de l’occupation à plein temps et ne justifie pas l’absence d’un investissement associatif parallèle ou d’une formation quelconque.
Il se trouve que j’ai longuement hésité à ajouter un paragraphe à mon CV détaillant les différentes fonctions de ce qu’on appelle communément « la femme (ou l’homme, si si, il y en a de courageux) au foyer », mais un unique chapitre aurait-il suffi ?
Parce que gérer au quotidien une maison et des enfants, c’est un peu comme diriger une petite entreprise : un poste très polyvalent qui nécessite réactivité, rigueur, dynamisme, fiabilité et patience, entre autres qualités.
Parce que quand cela devient notre activité principale et qu’on n’a plus l’excuse du temps de travail, on s’y investit entièrement et sans concession pour soi-même.
Alors, cette rubrique, si je devais la rédiger en descriptif non exhaustif de tâches correspondant aux divers services d’une P.M.E., donnerait à peu près ce qui suit :

Logistique : Gestion des transports (trajets école, courses et activités extrascolaires), des stocks de fournitures diverses et d’alimentation (avec méthode FIFO [First In First Out] pour suivre les dates de péremption).
Objectifs : Zéro retard et zéro frigo vide
Exemples de réalisations : Diminution du volume des denrées alimentaires jetées (tri sélectif pour le reste), économie de carburant par choix d’activités sportives sur un même site et aux horaires contigus, aucun repli MacDo pour cause de pénurie de matières premières nécessaires à la préparation d’un repas

Commercial/Négociation : Médiation et négociation en interne (enfants, conjoint) et en externe (prestataires) avec utilisation de diverses techniques judicieusement alternées (affectif, diplomatie, ignorance, enthousiasme, indifférence, intimidation, sanction…).
Objectifs : Maîtrise des conflits, compromis nécessaires
Exemples de réalisations : Choix de la mutuelle présentant le meilleur rapport qualité-prix (aussi bas l’un que l’autre), enfants et parents qui se supportent et s’aiment toujours, baisse de gamme et de crédit sur véhicule principal par rapport à ambitions de monsieur

Gestion des ressources humaines : Management des équipes, soutien moral permanent et sans faille, compréhension et tentative de rationalisation des histoires de cœur et d’amitié en milieu scolaire, et des histoires de collègues et clients en milieu professionnel.
Objectifs : Motivation optimale pour l’école ou le travail
Exemples de réalisation : Enfants qui aiment l’école, conjoint qui aime son job

Création et communication : Organisation d’anniversaires, d’enterrements de vie de jeune fille, de week-ends entre amis, mise en place et animation d’ateliers créatifs pour les 2-10 ans, sortie médiathèque hebdomadaire, investissement dans les écoles, maintien du lien social par Internet et téléphone.
Objectifs : Bien-être et éveil des enfants, vie amicale et familiale épanouie
Exemples de réalisations : Fêtes d’anniversaires « pirates » et « princesses », collection hétéroclite de dessins, bijoux, peintures et objets de décoration en perles à repasser, mosaïque, tricotin ou playmaïs, pas de fâcherie avec notre entourage à l’heure actuelle

Maintenance et espaces verts : Entretien du parc de véhicules (contrôle technique, entretien courant et grosses réparations au garage, niveaux, plein d’essence du véhicule principal et surveillance du parc cycles), bricolage, jardinage et réparations de base.
Objectifs : Zéro truc qui explose dans la maison, zéro panne, zéro traitement chimique côté jardin
Exemples de réalisations : Pose des éléments de décoration de la maison, montage de meubles, machines et véhicules en état de fonctionnement, délicieuses et prolifiques tomates cerise et fraises bio

Production : Ménage courant (poussière, sanitaires, salle de bains, cuisine, sols) et gros chantiers (vitres, hotte, garage), lessives, étendage, repassage, tri, rangement, sortie des poubelles et recyclage, cuisine, vaisselle, courses, et autres sympathiques occupations regroupées habituellement sous le nom si simple et si court de « tâches ménagères ».
Objectifs : 4 esprits sains dans une maison saine
Exemples de réalisations : Piles de linge classées par saison, type de vêtement et couleur, maison propre même où ça ne se voit pas, petits plats maison à 10000 calories

Gestion administrative et comptable : Planning des rendez-vous, traitement et classement du courrier, supervision des devoirs, paiement des factures à date d’échéance, suivi des comptes et gestion du budget.
Objectifs : Zéro rendez-vous raté, zéro relance ou huissier, découvert tendant vers le zéro
Exemples de réalisations : Mise en place d’un rappel automatique de règlement de créance et de rendez-vous, planification et réduction des dépenses par ordre de priorités, aucune faute à la dictée

Infirmerie : Tenue à disposition du nécessaire de secours à portée de main, pratique des premiers gestes sans paniquer à la vue d’une plaie ouverte ou d’un doigt retourné, analyse rapide de l’importance du symptôme pour au choix se diriger vers la pharmacie, le médecin traitant ou les urgences.
Objectifs : Réduction des hospitalisations et appels au 15
Exemples de réalisations : Gestion d’un stock minimum de médicaments d’usage courant avec annotation de l’utilité principale et mise en évidence de la date limite d’utilisation, don régulier à la pharmacie des traitements non utilisés ou reliquats, formation à l’utilisation de certains équipements spécifiques, record de vitesse personnel amélioré sur trajet logement/hôpital

Comité d’entreprise : Modifications de l’organisation de la maison, organisation des activités culturelles et de loisirs.
Objectifs : Détente !
Exemples de réalisations : Accès à divers soins du corps, voyages culturels, week-ends improvisés, musées, parcs animaliers, concerts, selon les moyens financiers mis à disposition du C.E. bien sûr

Direction stratégique opérationnelle : En collaboration avec mon directeur adj-conjoint, bien sûr, sur les grands axes de développement (Rester en location ou acheter ? Oui ou non à la soirée pyjama avec une camarade de 3 ans son aînée ?), mais souvent en toute autonomie sur les décisions de moindre importance (Pull chaud ou tee-shirt manches longues et gilet ? Quel cadeau pour noël/l’anniversaire de tout le monde ?).
Objectif : Avancer !
Exemples de réalisations : 3 déménagements stratégiques successifs en 2007, la découverte d’un département où l’on aime vivre, des cadeaux qui plaisent la plupart du temps, une soirée pyjama, mais avec une copine de classe

…Et tout cela sans presque aucune sous-traitance !
Que fais-je de mon temps A PART tout cela ? Eh bien, je recherche un emploi, voyez-vous, et, accessoirement, il m’arrive d’écrire.
Alors, pour finir sur du Bashung comme je l’avais commencé, ma petite entreprise, non elle ne connait pas la crise, ni le lundi, ni le mardi, ni le mercredi, ni le jeudi, ni le vendredi, ni le samedi, ni le dimanche, de l’aube à l’aube…et pendant les vacances, pas d’abstinence !